 |
Photos aériennes de l'inondation à Saint-Jean sur Richelieu, Montérégie, Québec 4 mai 2011, Crédit Photo: Aircam.ca |
Les inondations exceptionnellement longues de Montérégie au printemps 2011 ont eu de nombreux impacts pour des riverains touchés. Un an après, Mon climat, ma santé fait le point sur les impacts psychosociaux et la gestion de la crise durant cette inondation majeure au Québec.
Pendant l’inondation en Montérégie en 2011, « les anges blancs » de l’équipe des intervenants sociaux, comme ils furent surnommés par les sinistrés en raison de la couleur de leur dossard, ont arpenté les rues afin d’apporter leur soutien psychologique aux habitants des 3000 foyers touchés.
Diane Lévesque, chef de l’administration de programme services généraux volet psychosocial, fut coordonnatrice adjointe de l'intervention psychosociale durant l’inondation ; elle a accepté de partager son expérience et de parler de l’intervention sur le terrain durant et après la catastrophe. La crise psychosociale fut réelle en Montérégie : « On a vu se développer dans la population beaucoup de problématiques liées à des troubles d’adaptation, comme des dépressions, de l’anxiété… Dans un premier temps, les sinistrés ont ressenti de l’épuisement principalement physique à cause du manque de sommeil et le stress occasionné par la situation. Depuis certains sont dans des processus de deuil, car leur résidence ne peut pas être reconstruite ou, malgré les travaux, leur logement n’est plus ce qu’il était. D’autres sont encore actuellement dans une phase d’épuisement psychologique, car leurs démarches ou leurs travaux ne sont pas terminés. » Ces symptômes sont similaires à ceux observés dans d’autres événements du même type, comme l’inondation du Saguenay ou la crise du verglas.
« Au niveau des impacts sociaux, les sinistrés ont subi de nombreuses pertes matérielles. Certains ont eu de la difficulté au travail ou ont perdu leur emploi, car ils ont dû s’absenter pour essayer de sauver leur maison. Beaucoup ont eu des problèmes de logement ou de déménagement ». La durée de l’inondation a mis la population à rude épreuve : « Si l’inondation avait duré deux semaines, l’eau aurait tout de même fait des ravages, mais les gens ne se seraient pas retrouvés aussi épuisés et fatigués. Le stress fut très important particulièrement durant la période de crise où les sinistrés surveillaient de façon constante leur maison avec la peur de perdre l’électricité et que les pompes à eau s’arrêtent. C’était difficile d’aller chercher des provisions… Tout était compliqué. Le fait que ça ait duré aussi longtemps a épuisé les gens et la phase de reconstruction est arrivée beaucoup plus tard »
Pendant la crise, une équipe de soutien psychosocial a rapidement été déployée et était présente sur le terrain 7 jours par semaine. De 10 à 20 intervenants sillonnaient les municipalités pour aller à la rencontre des gens à leur domicile ou dans les hôtels où ils étaient logés. Le travail s’est fait en collaboration avec la municipalité, les policiers, les pompiers et même les voisins. Quelque 7000 interventions ont été menées sur le terrain et 400 personnes ont été identifiées pour un suivi plus spécifique ou en ont manifesté le besoin.
Dans les 3000 résidences touchées, les dommages ne sont pas de la même ampleur et la réaction de chaque personne à la situation est unique : « Pour ceux pour qui tout allait bien avant, ça a été plus facile de surmonter l’inondation. Une bonne gestion du stress, une bonne estime de soi et un bon réseau aident les gens à faire face à ces situations. Mais même les personnes ayant le plus de ressources personnelles ont besoin d’un coup de pouce. Pour les autres, déjà fragiles, c’est plus compliqué de traverser la crise, l’inondation a parfois été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. » Diane Lévesque salue le courage de résidents : « Les gens savent faire preuve de résilience, et ça s’est vu durant les inondations. Même s’ils font des demandes d’aide, les gens ont des forces, des réseaux. Ils sont capables de faire face à beaucoup de choses et ont fait preuve de beaucoup d’entraide entre les sinistrés. »
Avec le déploiement rapide des équipes terrains, l’action psychosociale a été efficace et bien accueillie par la population. L’équipe d’intervenants sociaux des inondations reçut deux prix, dont une mention spéciale du Ministre de la santé et des services sociaux, pour leur dévouement exceptionnel et tout le travail accompli durant les inondations ; cette équipe a su donner un visage chaleureux et humain au CSSS Haut-Richelieu–Rouville lors de ces mesures d’urgence.
Mais même après la catastrophe, le travail n’est pas terminé. Une équipe de rétablissement a été mise en place : « Ce sont des personnes dédiées qui effectuent des suivis individuels et des suivis de groupe. En groupe de soutien, on travaille sur la gestion de l’anxiété ou de la dépression, mais aussi sur saines habitudes de vie. Les sinistrés se sont tellement focalisés sur la crise, qu’ils ont parfois oublié de prendre soin d’eux et de garder des moments pour se faire du bien, afin de revenir à l’équilibre qu’ils avaient avant. » D'ailleurs, une cinquantaine de personnes sont encore suivies individuellement. « Nous réalisons en ce moment des relances téléphoniques auprès des personnes les plus fragiles ». Les intervenants ont aussi pu mener des actions dans deux écoles au niveau primaire durant le mois de juin. « On a fait des ateliers pour aider les enfants à traverser ce qu’ils étaient en train de vivre. Ils voyaient leurs jouets flotter dans le sous-sol ou leur fête d’anniversaire annulée, car il y avait de l’eau dans la maison. Une inondation, pour un enfant de 6 ans, ça impressionne et ça fait peur. »
Une catastrophe comme celle-ci continue en général d’avoir des impacts psychosociaux dans la population pendant environ 2 ans, c’est ce qui avait été observé dans la catastrophe comme celle du Saguenay par exemple, mais l’équipe des intervenants psychosociaux est préparée à cela : « Nous serons présents tant et aussi longtemps que les sinistrés en auront besoin, peu importe, si ça fait un an ou deux ans, notre travail, c’est d’être toujours là et en mesure d’aider les sinistrés ».
En savoir plus : anciens articles de presse sur les impacts psychosociaux des inondations :
Canoë : La crise psychosociale des inondations
Radio-Canada : Les sinistrés du Richelieu ont besoin de soutien psychologique, dit le ministre Bolduc
La Presse : Après les inondations, les problèmes de santé inquiètent
 |
Un intervenant de l'équipe psychosociale portant le dossard blanc |