Transformer les déserts en poumon!

1 juillet 2020 14:56:00

Mélanie Beaudoin, conseillère scientifique
Laurie-Maude Drapeau, conseillère scientifique

Note au lecteur
Le présent article est basé majoritairement sur les données rapportées dans la revue de la littérature suivante :

Beaudoin, M. et Levasseur, M.-E. (2017). Verdir les villes pour la santé de la population. Institut national de santé publique du Québec. Repéré à https://bit.ly/2BkYx4h


Les épisodes de vagues de chaleur et de canicule ont des effets délétères sur la qualité de vie des gens, pouvant même, dans certaines situations, coûter la vie en raison des chaleurs suffocantes. Les victimes sont souvent des personnes âgées, isolées et souffrant de troubles psychologiques. En ce temps de confinement, où l’incertitude règne quant à la possibilité de se rafraîchir dans des endroits climatisés, une façon de lutter contre les vagues de chaleur se dessine comme une solution à moyen terme : le verdissement des villes!

Espace vert

De plus en plus, les bénéfices des espaces verts sur la santé sont discutés, étudiés, chiffrés. Globalement, les études montrent que le verdissement urbain contribue à améliorer la santé des populations. Les effets demeurent variés, autant en matière de santé physique que mentale, et chez tous les types de population. Tant les personnes âgées que les enfants trouvent intérêt à fréquenter les espaces verts, ce qui a un impact sur leur santé et leur qualité de vie. 

L’aménagement de parcs et d’espaces verts

Lorsque le déconfinement s’est amorcé, au Québec comme ailleurs, de nombreux groupes ont revendiqué l’accès aux parcs et aux espaces verts. Il est démontré que la présence de parcs en ville a un effet bénéfique sur la santé. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) en a d’ailleurs fait l’un de ses engagements. En 2010, on souhaitait « garantir à chaque enfant, d’ici 2020, l’accès […] à des espaces verts où ils peuvent jouer et s’adonner à des activités physiques ». Dans le Programme de développement durable1 de l’OMS, à l’horizon 2030, on promet de « ne laisser personne de côté » en s’engageant à « assurer l’accès de tous, en particulier des femmes et des enfants, des personnes âgées et des personnes handicapées, à des espaces verts et des espaces publics sûrs ». Bien pensé, puisque de nombreuses études ont relevé les bénéfices notables des espaces verts urbains, particulièrement chez les populations vulnérables ou défavorisées. De plus, dans un contexte environnemental plus large, ces espaces ont le potentiel de favoriser la résolution de problèmes en amont, d'une manière préventive, considérée comme une approche plus efficace que de simplement traiter les conséquences en aval d'une mauvaise santé2.

Généralement, la distance recommandée entre un espace vert et le domicile est de 300 mètres à vol d’oiseau, ou encore de 10 minutes de marche. Ces deux indices doivent être considérés conjointement : un espace vert situé près de la résidence, mais dont le chemin pour s’y rendre sera parsemé d’entraves (le passage d’une autoroute, par exemple), ne sera pas aussi bénéfique pour la santé. En effet, la proximité n’est pas le seul gage d’un bénéfice à la santé. L’accessibilité de l’espace vert ainsi que les services et activités qui y sont proposés influencent également la fréquentation de celui-ci et, conséquemment, les possibles gains en matière de santé.

La possibilité de s’adonner à différentes activités physiques dans les espaces verts constitue l’un des principaux facteurs contribuant à l’amélioration de la santé. Que ce soit par la marche, la course ou le jardinage, l’activité physique effectuée dans un endroit verdi procure différents bénéfices; la diminution de l’obésité et de l’embonpoint, de même que la réduction du stress et des symptômes de dépression, en sont des exemples. Alors que les conditions actuelles liées à la pandémie sont source de stress et d’anxiété, la présence d’espaces verts est bienvenue pour améliorer le bien-être et limiter les effets négatifs sur la santé mentale et physique.

Dans un autre ordre d’idées, tous n’ont pas la chance d’avoir accès à un espace privé leur permettant de cultiver leurs propres fruits et légumes. Les jardins communautaires, qu'ils soient installés sur les toits des bâtiments ou au sol, peuvent servir de lieux de refuges en plein air pour soulager le stress engendré pendant la crise sanitaire, favoriser les activités de loisirs et la socialisation3. En plus, il est possible d’adapter les pratiques de jardinage afin de respecter les mesures de protection contre la COVID-194.

Enfin, la présence d’espaces verts permet aussi de réduire la température ambiante. La création d’un parc au centre-ville, en remplacement de bâtiments, génère une baisse de température de l’air environnant de 2 °C à plus de 6 °C. Ainsi, les espaces verts contribuent à l’amélioration du confort thermique des gens, ce qui a un effet direct sur leur santé et leur bien-être. 

Les arbres sur les rues

La création de parcs en milieu urbain reste certes profitable pour la santé des citoyens, mais la présence d’arbres en bordure de rue permet aussi d’améliorer la qualité de vie de la population. En effet, les réseaux verts connectés (sentiers, rues et ruelles), qui favorisent la marche et les déplacements vers les services et commerces, jouent un rôle important dans la promotion de la marche et de l’activité physique. Il est évalué que tant les arbres de rue du domaine public que les arbres sur les propriétés privées peuvent expliquer jusqu’à 39 % des réductions du stress rapportées à l’échelle locale. Dans l’impossibilité de densifier les espaces publics, par exemple pour des raisons d’infrastructures ou d’espace disponible, il peut être intéressant d’investir dans des programmes de densification de la végétation sur les terrains privés. Dans un contexte où la marche et le vélo sont des activités sportives favorisées pour leur contribution à la distanciation physique5, l’aménagement d’une toile verte prouve d’autant plus son utilité.

Le verdissement des bâtiments

Si le verdissement peut se réaliser par la plantation d’arbres et d’arbustes, les bâtiments peuvent également devenir des lieux de prédilection pour ajouter de la verdure. Qu’il soit question de murs végétalisés ou de toits verts, les bénéfices pour la population se font également sentir. D’une part, ces mesures permettent de lutter contre les îlots de chaleur urbains. D’autre part, ils tendent à améliorer le confort thermique des occupants en réduisant la température intérieure. En effet, des études ont démontré que, pendant une journée ensoleillée de 26 °C, un toit foncé peut atteindre jusqu’à 80 °C, un toit blanc, 45 °C, et un toit végétal, 29 °C. À l’intérieur d’un bâtiment, des différences de 2 à 7 °C ont été notées, une étude soulignant même une réduction de 30 °C.

La présence d’arbres près des bâtiments influe également sur la température intérieure. Au lendemain de la crise sanitaire, les villes devront revoir le potentiel des espaces inutilisés, tels que les toits des bâtiments. Ces derniers, retrouvés en quantité importante dans les villes, sont sous-utilisés et mal équipés3. Les toits verts peuvent pourtant offrir plusieurs avantages, tant physiques que visuels. À titre d’exemple, les toits verts permettent l’accès à des jardins et à des potagers pour l’autoproduction, à des terrains de jeux ou simplement à des lieux de repos et de lecture qui favorisent la santé mentale6.

Des bénéfices sociaux

Si l’effet sur la santé des espaces verts est bien documenté, la littérature scientifique démontre que leur présence procure également des bénéfices sociaux. En effet, la présence de parcs et d’espaces verts permet de briser l’isolement social, et ce, particulièrement en milieu défavorisé, en raison de terrains privés de faibles superficies. Les rencontres et l’implication sociale chez les différents groupes d’âge de la société s’avèrent ainsi favorisées par la présence d’espaces verts. Quant aux parcs, ils aident à la construction d’un tissu social et à la création d’un sentiment d’appartenance à une communauté ou à un quartier.

De même, les efforts d'interventions communautaires pour moderniser l’aménagement de la ville en y intégrant des lieux de rassemblement publics, notamment par la revitalisation des ruelles, offrent un énorme potentiel pour promouvoir le sentiment d’appartenance, les interactions entre étrangers, les projets d'art communautaire et la capacité civique. Par conséquent, il est devenu essentiel de mobiliser les citoyens dans la revitalisation des quartiers pour favoriser la cohésion sociale7.

Dans le cadre du Plan d’action 2006-2012 sur les changements climatiques, des projets de lutte contre les îlots de chaleur, notamment par le verdissement, ont été réalisés sous l’égide de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). À la suite de la réalisation de ces projets, des bénéfices tels que la revitalisation des quartiers, la réinsertion sociale des jeunes décrocheurs, la réduction des déchets et du vandalisme, l’adoption de saines habitudes de vie, l’amélioration de la sécurité alimentaire et la création d’espaces de socialisation ont été rapportés. Bien entretenus, les espaces verts permettent aussi de réduire la criminalité des quartiers, notamment en raison d’une utilisation accrue et de l’augmentation de leur surveillance.

Par conséquent, la présence de végétation en milieu urbain, périurbain et rural présente de nombreux bénéfices sur divers aspects de la santé de la population, autant en matière de santé physique que mentale, d’où l’importance d’augmenter la canopée des villes. Les quartiers davantage défavorisés, souvent plus minéralisés, y trouveront un bénéfice particulier, tout comme les édifices où habitent des populations vulnérables telles que les personnes malades ou âgées. Les écoles jouiront également d’un verdissement accru de leur cour et des abords du bâtiment, profitant ainsi d’une fraîcheur utile à la concentration des élèves lors de fortes chaleurs. En ce qui concerne les établissements de santé non climatisés, ils tireront également avantage du verdissement de leurs terrains.

Il est répété depuis les derniers mois que la crise mondiale devrait être une opportunité de transformer nos villes, de changer nos modes de vie… La façon dont nous structurons nos efforts de relance définira nos villes pour les décennies à venir. Le verdissement des villes peut être l’un de ces changements qui profiteront à l’ensemble de la population. Les changements climatiques entraîneront une augmentation du nombre de journées chaudes, et les arbres plantés aujourd’hui seront les climatiseurs de demain!

Lectures complémentaires

Beaudoin, M., Labesse, M.E., Prévost, C. et Robitaille, É. (2019). Des actions pour une utilisation et une conception optimales des espaces verts. Institut national de santé publique du Québec. Repéré à https://bit.ly/3dSfrnR

Giguère, M. (2009). Mesures de lutte aux îlots de chaleur urbains. Institut national de santé publique du Québec. Repéré à https://www.inspq.qc.ca/pdf/publications/988_MesuresIlotsChaleur.pdf

Safi, M. (2020). Coronavirus will reshape our cities – we just don't know how yet. The Guardian. Repéré à https://www.theguardian.com/world/2020/may/22/coronavirus-will-reshape-our-cities-we-just-dont-know-how-yet


Références

*Les prépublications et les recherches préliminaires n'ont pas encore été examinées par des pairs.

1 Organisation mondiale de la Santé. (s.d.). Objectif 11 : Faire en sorte que les villes et les établissements humains soient ouverts à tous, sûrs, résilients et durables. Repéré à https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/cities/

2 World Health Organization. (2016). Urban green spaces and health: a review of evidence. Repéré à https://www.euro.who.int/ data/assets/pdf_file/0005/321971/Urban-green-spaces-and-health-review-evidence.pdf?ua=1

3 *Honey-Rosés, J., Anguelovski, I., Bohigas, J., Chireh, V. K., Mr., Daher, C., Konijnendijk, C., … Nieuwenhuijsen, M. (2020). The impact of COVID-19 on public space: A review of the emerging questions.

4 Paquette, M.-C., Plamondon, L., Laberge, C., Lévesque, J. et Montreuil, A. (2020). COVID-19 : Ouverture sécuritaire des jardins communautaires. Institut national de santé publique du Québec. Repéré à https://www.inspq.qc.ca/publications/2982-jardins-communautaires-collectifs-covid19

5 Robitaille, É., St-Louis, A., Pigeon, É., Labesse, M.E., Lavoie, M. et Maurice, P. (2020). Pratique sécuritaire de la marche et du vélo à l’extérieur en contexte de pandémie de COVID-19. Institut national de santé publique du Québec. Repéré à https://www.inspq.qc.ca/sites/default/files/covid/3010-pratique-securitaire-marche-velo-covid19.pdf

6 *Capolongo, S., Rebecchi, A., Buffoli, M., Appolloni, L., Signorelli, C., Fara, G. et D’Alessandro, D. (2020). COVID-19 and cities : from urban health strategies to the pandemic challenge. A decalogue of public health opportunities. Acta bio- medica, 91(2), 13-22.

7 Semenza, J. C. et Krishnasamy, P. V. (2007). Design of a health-promoting neighborhood intervention. Health Promotion Practice, 8(3), 243-256.

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