Migrations

CHANGEMENTS CLIMATIQUES ET MIGRATIONS HUMAINES

L’environnement est, depuis toujours, un facteur de migration. Les catastrophes naturelles liées aux évènements météorologiques extrêmes conduisent chaque année des milliers de personnes à se déplacer pour obtenir de meilleures conditions de vie, reconstruire leur foyer, etc.

Cependant, les changements climatiques pourront contribuer à augmenter encore davantage les mouvements de personnes, tel que projeté par le Groupe D'experts intergouvenemental sur l'évolution du climat dans son plus récent rapport.

 

La relation entre changements climatiques et mouvements de personnes

Les changements climatiques pourront affecter les migrations humaines de diverses manières :

- La modification de la fréquence, de la durée et de l’intensité des désastres naturels et des évènements à évolution lente associés aux conditions météorologiques augmentent le risque de mouvements de population en réponse à la destruction ou à la dégradation de leurs milieux de vie.

- Les impacts des changements climatiques sur les moyens de subsistance, la santé publique, la sécurité alimentaire et l’approvisionnement en eau risquent d’aggraver des vulnérabilités déjà existantes et accentuer des inégalités sociales et sanitaires et, ainsi, de contribuer à la migration.

- La hausse du niveau de la mer pose des risques pour les zones côtières et certaines îles qui devront potentiellement être évacuées.

- La pression sur les ressources naturelles non renouvelables risque de s’accroître avec leur graduelle raréfaction et ainsi susciter des tensions et des conflits qui pourraient mener à des migrations forcées.

 
Migration effet indirect du changement climatique
Source : Sydney Costal councils

Un nouveau concept a donc émergé dans les dernières décennies; celui de migrant ou de réfugié climatique. Aucune définition officielle n’existe pour qualifier les personnes déplacées en raison de changements environnementaux, puisque même l’appellation des individus déplacés ne fait pas consensus (réfugié, migrant climatique). Cependant, l’Organisation internationale pour les migrations propose la définition suivante, qui explique de manière assez complète ce qu’est un « migrant forcé du climat ».

Ainsi, « on appelle migrants environnementaux les personnes ou groupes de personnes qui, pour des raisons impérieuses liées à un changement environnemental soudain ou progressif influant négativement sur leur vie ou leurs conditions de vie, sont contraintes de quitter leur foyer habituel ou le quittent de leur propre initiative, temporairement ou définitivement, et qui, de ce fait, se déplacent à l’intérieur de leur pays ou en sortent ».

Déplacements forcés et migrations volontaires

Une récente revue de la littérature identifie trois types de mouvements de population : les déplacements forcés, les relocalisations planifiées et les migrations urbaines. Dans le premier cas, le déplacement est causé par un processus climatique ou un évènement qui perturbe ou détruit le milieu de vie, forçant les habitants à se relocaliser. Les déplacements planifiés sont considérés comme des mesures d’adaptation préventive pour certaines populations vulnérables.

Par exemple, le déplacement des populations de certaines îles ou régions côtières peut être planifié afin de réduire les risques éventuels d’inondations ou d’érosion en lien avec l’accroissement des évènements extrêmes ou la hausse du niveau de la mer. Finalement, la troisième catégorie regroupe les migrations urbaines, déplacements qui s’effectuent dans le but de quitter le milieu rural, qui est plus souvent vulnérable aux changements climatiques.

Il est important de noter qu’il reste difficile d’isoler les facteurs climatiques des autres variables pouvant influer sur la décision de migrer . Des facteurs politiques, économiques, sociaux, culturels et démographiques peuvent aussi jouer un rôle dans les migrations, en plus des facteurs environnementaux. Cependant, les variables climatiques peuvent être des facteurs aggravants qui contribuent à réduire davantage la qualité de vie des individus, et peuvent être un élément déclencheur de la décision de se déplacer.

Impacts sanitaires des migrations

Les mouvements de population en raison de facteurs environnementaux peuvent être un moyen de s’adapter aux modifications du climat. Cependant, ces migrations entraînent aussi de nombreux impacts sanitaires qui peuvent faire en sorte de contrebalancer les bénéfices attendus du déplacement.

Migration effet indirect du changement climatique
Cette carte représente la capitale des Maldives, Malé, et les
impacts d’une hausse du niveau de la mer de un mètre
(bleu foncé) et deux mètres (bleu pâle).
In Search of Shelter project 6.

Certains auteurs comparent les impacts sanitaires des migrations causés par des évènements climatiques aux impacts vécus par les réfugiés (p. ex. en situation de conflit). Lors de leur réinstallation dans des camps ou des villages, les migrants climatiques peuvent faire face à plusieurs types de problèmes sanitaires.

Les déplacements forcés augmentent les risques d’effets néfastes sur la santé, principalement pour les groupes vulnérables tels les enfants, les femmes, les personnes âgées et les individus atteints de maladies chroniques ou préexistantes.

Les maladies infectieuses et les éclosions de maladies hydriques et alimentaires sont aussi des risques associés aux déplacements forcés (notamment en raison de problèmes de gestion des déchets, d’approvisionnement en eau et au niveau de la fourniture de soins de santé).
Les maladies infectieuses les plus courantes sont les maladies diarrhéiques, la rougeole, la méningite, les infections respiratoires aiguës, la tuberculose et la malaria. De plus, les migrants forcés sont plus exposés aux risques d’exploitation et de violences sexuelles ou liées au genre.

D’autres problèmes de santé peuvent se développer en rapport avec le manque de nourriture, de soins de santé et de logements salubres (malnutrition, maladies chroniques, problèmes respiratoires, etc.), notamment en bidonvilles ou camps de réfugiés.

Enfin, des conflits peuvent survenir dans certaines régions en lien avec la compétition pour les ressources et les tensions sociales entre communauté d’accueil et personnes déplacées. Les changements climatiques peuvent aussi augmenter indirectement les risques de conflits violents en amplifiant certains problèmes préexistants comme la pauvreté et les chocs économiques.

Migrations du milieu rural

Migration effet indirect du changement climatique migrations du milieu rural vers le milieu urbain
Source : Périurbanisation

Lorsque l’on parle de migrations du milieu rural vers le milieu urbain, l’afflux de population peut contribuer à exercer une pression sur les infrastructures et les services et nuire à la prestation de services de santé adéquats.


De plus, l’arrivée massive d’individus dans les villes conduit souvent à l’établissement de quartiers pauvres ou de bidonvilles dans des zones déjà peuplées et où les services d’approvisionnement en eau et de gestion des déchets sont souvent déficients ou absents.

Cette situation crée des conditions propices à la propagation de maladies et de leurs vecteurs. Enfin, les communautés de migrants urbains sont souvent établies dans des endroits déjà à risques d’être affectées par les changements climatiques : basses plaines, zones côtières, pentes instables ou encore dans des régions vulnérables à certains évènements extrêmes.
Ces migrations occasionnent non seulement des effets sur la santé physique, mais peuvent aussi accroître les impacts psychologiques et sociaux,liés au stress chronique inévitable de ces situations.

Et au Québec?

Les migrations climatiques forcées ne seront peut-être pas aussi fréquentes dans toutes les régions du monde (p. ex., au Sahel, où l’on se déplace pour combattre la famine et trouver des ressources en eau). Au Québec et, de manière plus générale en Amérique du Nord, les déplacements de population en lien avec les changements climatiques risquent davantage de survenir en réaction à des évènements extrêmes, comme les inondations ou ouragans, qui détruisent certains milieux de vie, ou encore suite à l’érosion importante de zones côtières, obligeant la relocalisation des individus plus loin des côtes. En effet, la majorité de la population d’Amérique du Nord vit sur des terres désormais considérées comme zones côtières et sujettes aux évènements météorologiques extrêmes.

Migration effet indirect du changement climatique migrations du milieu rural vers le milieu urbain
Source : ©MSP

Les mesures d’adaptation incluent des modifications du zonage, le retrait préventif de bâtiments et infrastructures et des travaux de protection des rives et des berges, ainsi que des bâtiments, dans certains cas, pour limiter les impacts de l’érosion et des inondations.

Certaines communautés pourraient ainsi voir une partie de leurs citoyens déplacés afin de réduire les risques associés à l’érosion des berges. Au niveau national, les autorités canadiennes peuvent commencer à planifier et à se préparer en cas d’augmentation du nombre de migrants climatiques qui pourrait survenir dans les prochaines décennies.