Ressources et maladies hydriques
Une qualité et une quantité moindres
Les ressources en eau s’avèrent essentielles pour la santé de la population, la production alimentaire et énergétique, le transport, les loisirs, et le maintien des écosystèmes naturels. Toutefois, les changements climatiques, tels que la hausse des températures, les modifications du régime pluviométrique et les aléas hydrométéorologiques, auront pour effet d’amoindrir la qualité et la quantité des ressources hydriques551. De fait, une baisse des niveaux d’eau, notamment dans le bassin des Grands Lacs, est anticipée552. Ces divers facteurs font que des maladies infectieuses d’origine bactérienne, virale ou parasitaire peuvent être transmises par l’eau, soit les eaux récréatives ou l’eau potable. En raison des impacts du changement climatique, on s’attend à une augmentation de ces maladies d’origine hydrique pouvant affecter la santé de la population553,554.
Des enjeux multiples
Bien que le Canada possède 7 % de l’eau douce renouvelable dans le monde, l’accès à de l’eau salubre et propre pourrait devenir un enjeu de taille, même ici. Environ 60 % de l’eau douce de surface coule vers le nord, alors que 85 % de la population vit dans le sud555. De plus, les grands secteurs industriels des ressources naturelles utilisent abondamment les sources hydriques : ils sont responsables de plus de 80 % de la consommation d’eau au pays555.
L’industrie, l’agriculture, l’exploitation minière et la foresterie peuvent altérer significativement la qualité de l’eau, entre autres en y rejetant des pesticides, des métaux et des produits toxiques556. En raison des eaux de ruissellement urbaines, on retrouve aussi, dans les différentes masses d’eau une concentration accrue d’éléments nutritifs (azote et phosphore), de sédiments, de déchets, de dérivés du pétrole ainsi que du sel utilisé pour déglacer les routes556.
Les changements climatiques contribuent à la diminution de la capacité d’approvisionnement en eau potable et à l’augmentation de la prévalence des maladies d’origine hydrique.
Les changements climatiques ont également pour effet de réduire la quantité et la qualité de l’eau sur le territoire551,557. La hausse des températures favoriserait un prolongement et une intensification de la période d’évapotranspiration, diminuant ainsi le niveau et le débit des cours d’eau552. Au Québec, cette situation devient préoccupante surtout dans les Grands Lacs et le fleuve Saint-Laurent, des masses d’eau importantes pour l’approvisionnement en eau potable, l’hydroélectricité ainsi que les activités commerciales et récréatives.
Plus précisément, la capacité d’approvisionnement en eau potable risque d’être amoindrie pendant la saison estivale, une constatation alarmante considérant que le fleuve Saint-Laurent est la source d’eau potable pour près de la moitié de la population québécoise558. Une augmentation de température de 2 à 4 °C pourrait réduire de 24 % les débits moyens sortants du lac Ontario, la principale source du Saint-Laurent, une diminution qui pourrait causer une baisse du niveau de 1 mètre à certains endroits943.
De plus, les variations hydrologiques ont des impacts non négligeables sur les communautés de plantes aquatiques, les poissons et l’herpétofaune (ensemble des espèces de reptiles et d’amphibiens)559. Sur le plan du transport maritime, le dragage effectué pour pallier un niveau d’eau plus faible pourrait remettre en suspension des substances chimiques toxiques dans le fleuve Saint-Laurent560.
Pourquoi économiser l’eau quand on prédit davantage de précipitations?
Au Québec, en raison du réchauffement de la température, on s’attend à davantage de précipitations totales553. Toutefois, il y aura aussi plus d'évaporation du fait que les températures vont également augmenter. Conséquemment, on s'attend à manquer d'eau à certaines périodes estivales dans le sud du Québec où vit la grande majorité de la population, et où sont principalement situées les industries et l’agriculture.
Par ailleurs, une augmentation de la salinité de l’eau du Saint-Laurent est appréhendée dans la région de Québec551, ce qui aura pour effet de la rendre potentiellement impropre à la consommation. Cette situation est liée directement au réchauffement climatique, qui entraîne la fonte des glaciers et des calottes glaciaires ainsi qu’une dilatation thermique de l'eau. L’élévation du niveau de la mer qui en résulte fait en sorte que l’eau salée s’introduit dans les aquifères côtiers et remontera plus en amont dans le fleuve552.
Les causes de la croissance des maladies hydriques
Différentes modifications climatiques locales et régionales pourraient favoriser l’augmentation de l’incidence des maladies hydriques :
- la baisse du niveau des cours d’eau;
- l’augmentation des températures et du rayonnement solaire;
- la fréquence accrue des inondations;
- l’intensification des précipitations et des sécheresses.
Les changements climatiques contribuent à l’émergence et à l’éclosion des maladies à transmission hydrique. Au Canada, la cause la plus fréquente de la contamination de l’eau liée au climat est l’écoulement des eaux d’orage554.
Les fortes précipitations sont susceptibles d’entraîner, dans les cours d’eau et les aquifères, des matières organiques et des substances chimiques. À titre d’exemple, une augmentation de maladies gastro-intestinales dans deux communautés inuites au Nunatsiavut a été observée aux suites d’un épisode de précipitations intenses944.
Les substances chimiques risquent également d’être moins diluées en raison d’un débit d’eau plus faible et de la hausse des températures favorisant l’évaporation560. Un climat plus chaud et des précipitations plus abondantes ont aussi pour conséquence la prolifération des cyanobactéries553. En somme, les nouvelles conditions climatiques potentialisent le risque de contamination microbienne, chimique et par toxines (p. ex., cyanobactéries) de l’eau. Les petits réseaux de traitement de l’eau potable seraient d’ailleurs plus vulnérables à cette contamination en raison de leur capacité réduite d’adaptation due aux types d’infrastructures ainsi qu’aux contraintes financières et techniques945.
Impacts sur la santé
« Une maladie d’origine hydrique est définie comme toute maladie de nature infectieuse ou d'origine physico-chimique causée, ou présumément causée par : ingestion d'eau, contact avec l'eau ou inhalation de vapeurs ou de gouttelettes d’eau »561
Les eaux de surface contiennent généralement des micro-organismes (bactéries, virus, protozoaires) et des substances chimiques (p. ex., benzène, plomb) pouvant affecter la santé humaine. De plus, on retrouve, dans certains lacs et rivières, des proliférations de cyanobactéries (algues bleues) ou des cercaires (larves de certains parasites vivant dans l’eau), également susceptibles de provoquer des réactions indésirables chez l’humain.
En raison des changements climatiques, tels que la hausse des températures et les fortes précipitations, on peut s’attendre à une incidence plus élevée d’épidémies de maladies d’origine hydrique par la contamination des eaux de baignade et de l’eau de consommation. Les toxi-infections alimentaires, causées indirectement par de l’eau contaminée, pourraient également s’avérer plus fréquentes554.
Au Québec, en 2010 et 2011, 25 éclosions de maladies hydriques ont été dénombrées au Québec, touchant au moins 188 personnes et faisant un décès949. Dans 64 % des cas, l’agent responsable est demeuré inconnu. La plupart des cas recensés, soit 76 % d’entre eux, étaient d’origine infectieuse. Malgré le faible nombre de personnes impliquées, certaines éclosions ont tout de même engendré des hospitalisations et un décès.
Une maladie infectieuse d'origine hydrique se manifeste généralement par des troubles gastro-intestinaux (nausées, vomissements et diarrhée) de courte durée. Le contact avec la peau d’une eau de mauvaise qualité peut parfois causer des dermatites, de même que des infections aux yeux, aux oreilles et à la gorge562.
La prochaine section expose brièvement quelques agents responsables de maladies d’origine hydrique recensées au Québec561.
La bactérie E. coli
La bactérie E. coli se trouve à l'état naturel dans l’environnement aquatique, et elle est d’ailleurs utilisée comme indicateur de contamination fécale, parce qu’elle se retrouve notamment dans les intestins du bétail (bovins, volaille et autres animaux d’élevage), mais aussi de la faune (castor, raton laveur, etc.). Sa détection dans une eau traitée peut indiquer généralement la présence d’autres micro-organismes pathogènes qui prolifèrent aussi dans l’intestin du bétail, comme les bactéries des genres Salmonella et Campylobacter. Par ailleurs, il existe des souches d’E. coli qui sont pathogènes, notamment celle responsable de la « maladie du hamburger » (E. coli O157:H7). L’ingestion de souches pathogènes d’E. coli engendre des symptômes qui durent entre 7 et 10 jours, engendrant de fortes crampes abdominales, et parfois une diarrhée sanguinolente (colite hémorragique). L’infection peut aussi entraîner le syndrome hémolytique et urémique (défaillance rénale aigüe) dans 15 % des cas, le plus souvent chez les enfants563.
Les cercaires
Les cercaires (petites larves de parasites) dans l'eau de baignade proviennent d'oiseaux aquatiques porteurs de parasites dans leur intestin. Au Québec, ils sont notamment responsables de la dermatite du baigneur, caractérisée par de petites plaques rouges sur la peau. En quelques heures, celles-ci se gonflent et provoquent des démangeaisons plus intenses. Certaines personnes peuvent aussi développer une infection mineure de la peau. Habituellement, les symptômes disparaissent en quelques semaines562.
La Giardia
La Giardia est un protozoaire parasite responsable d'une maladie intestinale appelée giardiase. Causée entre autres par l'ingestion d'eau contaminée par des selles humaines ou des excréments d’animaux, elle est caractérisée par les symptômes suivants : diarrhée, crampes abdominales, flatulences, malaises et perte de poids. De plus, des vomissements, des frissons, des maux de tête et de la fièvre peuvent survenir. Les symptômes durent jusqu'à un mois564.
Pour en savoir plus, veuillez consulter les fiches synthèses sur l’eau potable et la santé humaine produites par le Groupe scientifique sur l’eau (GSE) de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).
Les changements climatiques et les cyanobactéries
Les cyanobactéries (algues bleu-vert ou algues bleues) sont des organismes microscopiques dont la croissance est principalement liée à l’absorption de l’énergie lumineuse et à l’utilisation de substances nutritives comme l’azote et le phosphore. En raison des nouvelles conditions climatiques propices à leur croissance, elles pourraient proliférer encore davantage.
Certaines espèces de cyanobactéries synthétisent plusieurs groupes de composés appelés cyanotoxines, qui peuvent occasionner divers problèmes de santé, le plus souvent de nature gastro-intestinale. On a récemment documenté ce type de symptômes chez des baigneurs au Québec565,553.
Pour plus d’information, consultez la page Algues bleu-vert du Portail santé mieux-être du Gouvernement du Québec
Qui est vulnérable?
Au Québec, le Règlement sur la qualité de l’eau potable (RQEP), en vigueur depuis 2001, prescrit des normes et des contrôles de la qualité de l’eau. Les réseaux municipaux, privés, institutionnels et touristiques desservant de l’eau de consommation à plus de 20 personnes sont soumis à un contrôle de qualité. Des programmes de suivi et de surveillance visent également à s’assurer de la qualité de l’eau consommée et utilisée à des fins récréatives. La révision de ce règlement, en 2010, a permis la mise à jour des normes de qualité de l’eau potable en fonction de nouvelles connaissances ainsi que le resserrement des exigences de traitement et de contrôle de certains contaminants946.
Malgré les mesures en place, certaines éclosions de maladies infectieuses peuvent tout de même survenir. Dans le futur, la hausse des températures et les fortes précipitations auront possiblement comme effet d’augmenter la prévalence de maladies à transmission hydrique. Toute la population québécoise est susceptible d’être touchée, mais les personnes suivantes sont plus à risque d’avoir ces maladies ou encore de souffrir de complications :
- les enfants en bas âge;
- les personnes âgées;
- les personnes souffrant de maladies chroniques affaiblissant le système immunitaire;
- les personnes subissant une dialyse rénale947;
- les personnes voyageant dans des pays où des maladies hydriques sont endémiques;
- les campeurs et les randonneurs (accès à des sources d’eau potentiellement contaminées);
- les amateurs d’activités aquatiques.
Pour plus de détails, visitez la section Ma Région, qui identifie les risques pour chaque région du Québec.
S'adapter
Une façon de s’adapter à la baisse éventuelle des ressources hydriques consiste à resserrer la gestion de l’eau potable pour réduire la demande ou en freiner la croissance557. Une gestion globale, intégrée et adaptée du cycle de l’eau dans les bassins versants méridionaux ainsi que du système des Grands Lacs et du Saint-Laurent est incontournable551.
Par ailleurs, les municipalités doivent s’assurer de la qualité de l’entretien des réseaux de distribution d’eau potable (détection et colmatage proactif des fuites) afin de réduire le volume d’eau à produire557.
Des programmes de sensibilisation et de restriction de l’utilisation de l’eau potable pendant des périodes critiques s’avèrent également essentiels557. De plus, les citoyens sont en mesure de poser des actions quotidiennes pouvant contribuer à la préservation de l’eau. Notamment, ils peuvent éviter le gaspillage de différentes façons : fermer le robinet lors du brossage des dents, réduire le débit des robinets, limiter l’arrosage de la pelouse, etc. Des gestes peuvent aussi contribuer à réduire la contamination des eaux, comme éviter l’utilisation de produits chimiques dangereux à usage domestique, installer un dispositif antirefoulement948, ne pas jeter certains déchets dans les égouts (p. ex., la soie dentaire, la nourriture), et ne pas utiliser de pesticides556.
Par ailleurs, pour prévenir les maladies d’origine hydrique, il demeure important de respecter rigoureusement les avis publics émis en cas d’éclosions. De plus, lorsque la qualité de l’eau n’est pas assurée, les précautions suivantes s’imposent : faire bouillir l’eau ou boire de l'eau embouteillée commercialement et utiliser uniquement des glaçons fabriqués avec de l'eau purifiée. Il faut aussi savoir que l’usage d’une eau de surface non traitée (ex. : chalets en bordure de lacs y puisant directement l’eau sans traitement pour la consommation, la cuisine ou le brossage des dents) n’est pas sécuritaire. De plus, en présence de proliférations de cyanobactéries, des traitements domestiques (comme l’usage d’un adoucisseur ou d’un traitement aux rayons U.V.) ne permettent pas de détruire tous les micro-organismes, et sont sans effet à l’égard des toxines de cyanobactéries (cyanotoxines), lesquelles résistent d’ailleurs à l’ébullition de l’eau.
La section Adaptation du site vous permet d’en apprendre
plus sur les adaptations existantes et requises.
Informations complémentaires
Les liens et documents suivants vous permettent d'en apprendre davantage sur les
ressources hydriques et les changements climatiques.
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Changements
climatiques au Québec méridional - Approvisionnement en eau potable et santé publique : projections climatiques en matière de précipitations et d’écoulements pour le
sud du Québec - Résumé
Cette étude de l'INSPQ analyse les projections climatiques de certaines variables
susceptibles de modifier les volumes et la qualité des eaux de surface. Deux variables
ont été analysées: les précipitations et les écoulements mensuels, deux composantes
clés qui détermineront l’évolution future des conditions hydrologiques des eaux
de surface.
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Changements
climatiques au Québec méridional - Analyse de la vulnérabilité des installations
québécoises de production d’eau potable aux cyanobactéries toxiques - Résumé
Les cyanobactéries sont des bactéries photosynthétiques naturellement présentes dans les écosystèmes d’eau douce et d’eau marine de la planète; ce ne dont pas des algues, malgré leur appellation d’algues bleu-vert ou d’algues bleues. Depuis des millions d’années, ces micro-organismes ont été intimement associés au développement de la vie sur la Terre, puisqu’ils ont contribué à enrichir l’atmosphère terrestre en oxygène. Le problème environnemental particulier engendré par les cyanobactéries depuis les années 1990 résulte d’une prolifération excessive dans les eaux de surface (étangs, lacs et cours d’eau), causée principalement par des apports excédentaires de substances nutritives comme l’azote, mais surtout le phosphore. Dans ce contexte, les installations de production d’eau potable s’approvisionnant en eau de surface pourraient être vulnérables aux proliférations de cyanobactéries en laissant passer, dans le réseau de distribution d’eau (aqueduc), les cellules entières de cyanobactéries ou leurs toxines. Le rapport complet est disponible sur le site d'Ouranos.
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Radio-Canada - Fleuves en péril
Extrait de l'émission Les Années lumière à la radio de Radio-Canada, intitulé
Fleuves en péril. De moins en moins de fleuves coulent jusqu’à la mer,
rapporte la section internationale du Fonds mondial pour la nature. L’organisme
trace un portrait assez désolant des bassins hydrographiques dans le monde, sérieusement
menacés par le réchauffement climatique, les barrages, la surpêche et le pompage
excessif.
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Mémoire déposé à la Commission des transports et de l'environnement concernant les effets potentiels sur la santé liés à la présence des algues bleu-vert (cyanobactéries)
Cette étude de l’Institut national de santé publique du Québec décrit les effets potentiels sur la santé des algues bleu-vert (cyanobactéries).
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Fiches synthèses sur l’eau potable et la santé humaine
Ces fiches, produites par le Groupe scientifique sur l’eau (GSE) de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), présentent notamment les effets possibles à la santé associés à une exposition à divers contaminants de nature microbienne ou chimique.