Magalie Canuel, conseillère scientifique
Les gouvernements ont eu à faire face à une situation exceptionnelle dans le contexte de la pandémie et des mesures ont été prises afin d’assurer la sécurité de la population et de limiter les difficultés financières pour tous. Cette situation peut avoir des impacts sur la santé mentale, alors que la population est isolée socialement, qu’elle est confrontée à des pertes humaines, financières ou à des pertes d’emplois.

Dans ce contexte, la surveillance des impacts dans la population s'avère particulièrement importante, notamment pour le développement de mesures d'adaptation.
Événement météorologique extrême et COVID-19
Cette année, en plus de la pandémie de COVID-19, l’été apportera aussi son lot de défis supplémentaires alors qu’on commencera une nouvelle saison de certains événements météorologiques extrêmes (EME), comme les vagues de chaleur, les feux de forêt et les épisodes de sécheresse. Ces EME sont aussi associés à des impacts sur la santé mentale et le bien-être, notamment une prévalence plus élevée de symptômes de stress post-traumatique, de dépression, d’anxiété, de détresse, de consommation de substances psychoactives (alcool, drogues, médicaments) et d’idées suicidaires. Ainsi, en 2020, ces EME se produiront en même temps que la pandémie de COVID-19, et pourront affecter davantage certains groupes de la population.
D’ailleurs, lors d’EME, ce sont les personnes âgées, celles avec une ou des maladies chroniques, n’ayant pas un soutien social fort et à faible revenu qui sont souvent identifiées comme population vulnérable, tout comme les intervenants de première ligne. Ce sont présentement ces mêmes groupes de population qui risquent d’être aussi les plus touchés par la pandémie de COVID-19. Ces groupes de populations vulnérables sont plus à risque de subir des effets négatifs graves sur leur santé physique et mentale lors d’un sinistre ou d’une pandémie.
Pour s’assurer que les interventions de santé publique soient disponibles en quantité suffisante et afin d’identifier les populations vulnérables qui sont les plus susceptibles d’avoir besoin de ressources, les autorités de santé publique peuvent utiliser des données provenant de systèmes de surveillance ou réaliser des enquêtes populationnelles. Cette surveillance doit se faire pendant l’événement et elle devrait se poursuivre plusieurs années après un événement dans certaines situations, afin de continuer à soutenir la communauté en offrant les services appropriés. La présence de ressources et de services en santé mentale est cruciale pour aider une communauté à se remettre d’un événement ou d’une pandémie.
Surveillance en santé mentale : une boîte à outils
Ainsi, une Boîte à outils1 pour la surveillance post-sinistre des impacts sur la santé mentale a été développée par l’Institut national de santé publique du Québec afin de bien outiller les autorités de santé publique pour faire une surveillance adéquate et périodique des impacts sur la santé mentale après un événement. Elle a été élaborée par des experts en santé mentale et en surveillance provenant de diverses institutions québécoises. Elle s’adresse principalement aux professionnels de santé publique, mais aussi aux épidémiologistes, aux chercheurs et aux autres intervenants qui voudraient documenter les impacts sur la santé mentale post-sinistre avec des outils standardisés, évalués et disponibles gratuitement. Développée initialement pour la surveillance post-sinistre des EME, cette Boîte à outils s’avère aussi adéquate pour d’autres événements, comme une pandémie.
Dans cette Boîte à outils, on retrouve des instruments pour estimer certains impacts de santé mentale qui peuvent survenir ou être amplifiés après un événement. Pour l’instant, la Boîte à outils identifie des instruments pour les indicateurs suivants :
- Symptômes d’anxiété;
- Symptômes dépressifs;
- Symptômes de stress post-traumatique;
- Détresse psychologique;
- Impact immédiat du trauma (réactions péritraumatiques);
- Bien-être;
- Fonctionnement et incapacité;
- Qualité de vie;
- Soutien social;
- Consommation d’alcool;
- Consommation de drogues;
- Consommation de médicaments;
- Utilisation de services en santé.
Cette Boîte à outils présente deux (2) grandes options pour effectuer la surveillance des impacts sur la santé mentale suivant un sinistre. D’abord, elle recense les sources existantes qui permettent d’obtenir des statistiques à partir de systèmes de surveillance, des enquêtes populationnelles ou d’autres bases de données d’intérêt pour la surveillance des impacts sur la santé mentale; ceci permettra notamment de mesurer le niveau de base populationnel avant l’évènement. Elle présente par la suite des recommandations d’instruments standardisés à utiliser lors d’une enquête post-sinistre.
Par exemple, si on veut estimer le niveau de détresse psychologique par une enquête populationnelle ad hoc, la Boîte à outils recommande d’utiliser l’instrument standardisé à 6 items de Kessler, appelé le K6. Une fiche, disponible pour chaque instrument recommandé, identifie certaines informations importantes en lien avec notamment les conditions d’utilisation (ex. copyright ) et les seuils d’interprétation. Le questionnaire est aussi reproduit dans la Boîte à outils lorsque celui-ci est du domaine public. Il se trouve que cet instrument, le K6, est aussi utilisé dans deux (2) grandes enquêtes canadienne (Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes) et québécoise (Enquête québécoise sur la santé de la population). Les données produites par ces grandes enquêtes permettent d’alimenter les systèmes de surveillance. Ces enquêtes et systèmes de surveillance sont aussi décrits dans la Boîte à outils avec notamment les années pour lesquelles des données sont disponibles pour tous les indicateurs d’intérêt mentionnés précédemment et l’endroit où l’on peut obtenir ces statistiques. Ainsi, on peut donc obtenir des statistiques avant l’événement (ex. systèmes de surveillance, grandes enquêtes), pendant (ex. enquêtes ad hoc avec les instruments recommandés dans la Boîte à outils) et après l’événement (ex. tous les systèmes de surveillance et enquêtes ad hoc). Il est alors possible de suivre la tendance de ces indicateurs à partir de données comparables lorsque les instruments utilisés sont les mêmes dans les enquêtes ad hoc et dans les systèmes de surveillance.
Conclusion :
La surveillance de l’état de santé de la population est une bonne façon d’identifier les populations vulnérables et les populations touchées suivant un événement, qu’il s’agisse d’une pandémie ou d’un autre sinistre. Les résultats de cette surveillance aideront à déterminer les niveaux de services et de ressources nécessaires en matière de santé mentale. Le choix judicieux des instruments pour effectuer la surveillance permettra d’obtenir un meilleur portrait de l’état de la situation avant, pendant et après un événement. La Boîte à outils facilite les activités de surveillance en proposant l’utilisation uniforme d’indicateurs entre les différentes études afin d’assurer une meilleure comparabilité spatiale et temporelle.
Dans un contexte où l’été 2020 risque de présenter des défis supplémentaires pour plusieurs groupes de population, notamment en contexte de pandémie de COVID-19, mais aussi en prévision d’événements météorologiques extrêmes qui pourraient se produire, il est important de mettre en place des mesures de mitigation pour atténuer les effets de ces événements. Pour de l’aide ou des conseils en matière de santé mentale pour aider des proches en difficulté, le site www.quebec.ca/allermieux a été mis en place par le gouvernement du Québec2.
Références :
1 Canuel, M., Gosselin, P., Duhoux, A., Brunet, A., et Lesage, A. (2019). Boîte à outils pour la surveillance post-sinistre des impacts sur la santé mentale. Institut national de santé publique du Québec. Repéré à https://www.inspq.qc.ca/publications/2523 .
2 Quebec.ca. (2020). Aller mieux en contexte de pandémie. Site officiel du gouvernement du Québec. Repéré à www.quebec.ca/allermieux.