À quoi s’attendre dans la prochaine année?

1 juillet 2020 15:16:00

David Demers-Bouffard, conseiller scientifique

La pandémie actuelle a touché 213 pays et territoires, avec des taux d’infection, d’hospitalisation et de mortalité variant grandement de région en région, selon des facteurs économiques, sociaux et environnementaux propres à chacune. Certains facteurs environnementaux, comme le climat, peuvent agir sur la transmission de maladies infectieuses. Cet article se penche sur les liens entre le climat et la COVID-19 ainsi que sur les façons dont ils pourraient s’influencer dans la prochaine année.

Arbre et coucher du soleil

Plusieurs se sont déjà exprimés sur l’atténuation potentielle de la pandémie pendant la saison chaude ou la possibilité d’une deuxième vague de transmission de la COVID-19 à l’automne. L’été 20201 pourrait être plus chaud et humide qu’à l’habitude, avec une période estivale se prolongeant jusqu’en septembre .

La température et l’humidité

La chaleur semble effectivement diminuer le risque de transmission de maladies infectieuses  respiratoires telles que la COVID-19. Le temps froid affaiblit le système immunitaire, aggrave l’irritation des voies respiratoires, augmente la proximité entre les individus et accroît la capacité de survie du virus, ces effets s’atténuant dans des conditions tempérées ou chaudes. L’humidité réduit également le risque de transmission puisqu’elle alourdit les particules sur lesquelles peut s’accrocher le virus , diminuant ainsi leur temps de suspension dans l’air. Cependant, la relation entre la température et le nombre de cas de COVID-19 n’est pas nécessairement linéaire, entre autres du fait que le SRAS-CoV-2 survit davantage à des températures légèrement au-dessus du point de congélation (environ 4 °C)2

Plusieurs études semblent ainsi suggérer un sommet d’infection lorsque la température se situe approximativement entre 4 et 12 °C3,4,5,6. Dans le sud du Québec, les températures moyennes au printemps et à l’automne se situent entre 0 et 9 °C7. Par conséquent, un allongement de la période estivale pourrait retarder ou minimiser le risque d’une deuxième vague; à l’inverse, une fin d’automne  plus chaude ou un automne plus long qu’à l’ordinaire pourraient plutôt contribuer à une augmentation des cas de COVID-19 plus tard dans l’année.

Les polluants atmosphériques et les pollens

Les polluants atmosphériques sensibilisent davantage les individus aux virus comme le SR AS-CoV-2, puisqu’ils irritent les voies respiratoires, affaiblissent le système immunitaire et faciliteraient le transport d’agents pathogènes. D’ailleurs, plusieurs études8 réalisées en Amérique du Nord, en Europe et en Chine9 démontrent une association entre les concentrations de polluants atmosphériques et le nombre de cas ou de décès associés à la COVID-19.

Les mesures de confinement ont largement réduit les émissions de gaz à effet de serre (GES) et de polluants atmosphériques. Certains polluants, tels que le dioxyde d’azote (NO2), affichent des baisses pouvant aller jusqu’à 90 %10, bien que les diminutions soient moindres pour les autres types de polluants. Néanmoins, les mesures de distanciation physique et la peur de contagion ont diminué la capacité et l’attrait des transports collectifs. Avec le déconfinement, cette situation pourrait favoriser l’utilisation de l'automobile et, dans une moindre mesure, de modes de transports actifs, autant à des fins récréatives qu’utilitaires. Même s’il pourrait diminuer le nombre de déplacements lors des heures de pointe, le télétravail encourage les populations à se déplacer davantage en voiture pour des motifs autres que le travail et, à long terme, à s’installer plus loin des centres-villes11,12. Par conséquent, une augmentation  des émissions des GES et des polluants atmosphériques surviendra vraisemblablement avec le déconfinement, comme il a été observé lors de la vague de chaleur de la fin mai13. L’été chaud qui attend le Québec favorisera également la survenue de smog, puisque les périodes chaudes, ensoleillées et  sans vent contribuent à la formation d’ozone et à la suspension de particules fines, même si l’humidité pourrait réduire l’inhalation de ces polluants.

De plus, les changements climatiques allongent la saison pollinique et favorisent la croissance des plantes allergènes, dont l’herbe à poux14. Tout comme les polluants atmosphériques, les pollens causent de l’inflammation et inhiberaient la capacité du système immunitaire à combattre des infections virales, même chez les personnes non allergiques15. Les personnes porteuses du virus SRAS-CoV-2 et souffrant d’allergies saisonnières pourraient aussi propager plus facilement la maladie étant donné les éternuements provoqués par les allergies.

L’été chaud et humide attendu pourrait aussi être accompagné d’un nombre important d’orages. Ces derniers peuvent influencer l’exposition aux pollens allergènes, puisqu’ils entraînent l’éclatement des grains de pollen, libérant ainsi ses composantes allergènes alors plus puissantes et facilement inhalables, pouvant alors provoquer une augmentation marquée de crises d’asthme16.

Les événements météorologiques extrêmes

Même si l’été pourrait être humide, des périodes propices aux feux de forêt ne sont pas à écarter puisque des températures plus élevées que la normale favorisent l’évaporation. Le mois de mai 2020 a déjà  affiché deux fois plus d’incendies qu’à l’habitude au Québec en raison de la faible quantité de précipitations18.En plus des conditions météorologiques et des polluants atmosphériques, les événements météorologiques extrêmes constituent une autre façon pour le climat d’influencer la propagation du virus. Plusieurs de ces événements pourraient survenir dans la prochaine année. La vague de chaleur de la fin mai en est un bon exemple17. Bien que les vagues de chaleur puissent inciter au confinement, certaines personnes vulnérables, résidant notamment dans des logements en mauvais état, peuvent en souffrir si l’accès aux parcs, aux piscines et aux endroits frais est limité en raison des mesures de distanciation.

De plus, les aléas hivernaux et printaniers pourraient aussi être problématiques si la pandémie perdure jusqu’en 2021. Bien que le Québec ait été épargné en 2020, des inondations printanières de grande envergure pourraient se produire l’année prochaine. Avec les changements climatiques, il est possible que des tempêtes hivernales caractérisées par des précipitations atypiques, telles que le verglas et la grêle, surviennent au cours de l’hiver prochain7. Le déplacement graduel vers le nord des queues d’ouragan demeure également susceptible d’affecter l’est du Québec cet automne, lors de la saison des ouragans.

Outre leurs conséquences directes, ces événements pourraient entraîner des effets en cascade propices à la propagation de la COVID-19. D’un côté, ils pourraient exiger des évacuations massives et la mise à disposition de logements temporaires pour les sinistrés, alors que ces mesures sont associées à une transmission accrue de maladies infectieuses19, telles que la pneumonie et la grippe. La COVID-19 étant encore plus infectieuse, la situation pourrait s’avérer difficile à gérer. D’un autre côté, faire face à ces événements à son domicile peut provoquer un stress psychologique important20 et s’avérer impossible dans certains cas. Les pannes électriques pouvant découler de ces événements extrêmes compliqueraient également le maintien des mesures de confinement et de distanciation physique advenant une deuxième vague, particulièrement si elles touchent des milieux sensibles tels que les CHSLD.

Conclusion

Le climat a certainement une influence sur la propagation de la COVID-19. Bien qu’il constitue un facteur parmi d’autres, il semble important de considérer ses effets, surtout en présence d’autres risques, tels que la récession économique en cours21, de même que les conflits sociaux22 et les événements météorologiques extrêmes qui sont susceptibles de survenir dans la prochaine année. Le cumul de ces risques, et les mesures parfois contradictoires pour y remédier, devront faire l’objet de réflexions plus approfondies afin de s’adapter adéquatement à la situation. 

Références

1 Brière, F. (2020). Aperçu de l'été 2020 : beau, chaud et long. MétéoMédia. Repéré à https://www.meteomedia.com/ca/nouvelles/article/apercu-de-lete-2020-un-ete-chaud-au-quebec-meteomedia

2 Guillier, L., Martin-Latil, S., Chaix, E., Thebault, A., Pavio, N., Le Poder, S., … Sanaa, M. (2020). Modelling the thermal inactivation of viruses from the Coronaviridae family in suspensions or on surfaces with various relative humidities. Repéré à https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.05.26.20114025v1

3 Sajadi, M.M., Habibzadeh, P., Vintzileos, A., Shokouhi, S., Miralles-Wilhelm, F. et Amoroso, A. (2020). Temperature, humidity and latitude analysis to predict potential spread and seasonality for COVID-19. Repéré à https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3550308

4 Notari, A. (2020). Temperature dependence of COVID-19 transmission. Repéré à https://arxiv.org/abs/2003.12417

5 Ficetola, G. F. et Rubolini, D. (2020). Climate affects global patterns of COVID-19 early outbreak dynamics. Repéré à https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.03.23.20040501v3

6 Huang, Z., Huang, J., Gu, Q., Du, P., Liang, H. et Dong, Q. (2020). Optimal temperature zone for the dispersal of COVID-19. Science of The Total Environment, 736, 139487. Repéré à https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0048969720330047

7 Ouranos. Carte – Province du Québec – Moyenne annuelle des températures. Repéré à https://www.ouranos.ca/portraits-climatiques/#/regions/0

8 Corniou, M. (2020). COVID-19 et pollution atmosphérique : des liens inquiétants. Québec Science. Repéré à https://www.quebecscience.qc.ca/sante/covid-19-pollution-atmospherique-liens-inquietants/

9 Zhu, Y., Xie, J., Huang, F. et Cao, L. (2020). Association between short-term exposure to air pollution and COVID-19 infection: Evidence from China. Science of The Total Environment, 727, 138704. Repéré à https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S004896972032221X

10 Québec.ca. (2020). Impact de la COVID-19 sur la qualité de l’air au Québec : résultats préliminaires. Repéré à https://www.quebec.ca/environnement-et-ressources-naturelles/covid-19-environnement/impact-qualite-air- quebec-covid-19/

11 Zhu, P. et Mason, S.G. (2014). The impact of telecommuting on personal vehicle usage and environmental sustainability. International Journal of Environmental Science and Technology, 11, 2185–2200. Repéré à https://link.springer.com/article/10.1007/s13762-014-0556-5

12 Robin, J. (2020). Télétravail : attention aux distractions. Vivre en Ville. Repéré à https://vivreenville.org/nos- positions/chroniques/2020/teletravail-attention-aux-distractions.aspx

13 AirNow. (2020). Air Quality Maps Archives – Eastern Cananda. Repéré à https://cfpub.epa.gov/airnow/index.cfm?action=airnow.mapscanadaarchivedetail&domainid=58&mapdate=202005 27&tab=1

14 Demers, I. et Gosselin, P. (2019). Aperçu – Pollens, climat et allergies : initiatives menées au Québec. (2020). Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques au Canada, 39(4), 149-154. Repéré à https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/rapports-publications/promotion-sante-prevention-maladies- chroniques-canada-recherche-politiques-pratiques/vol-39-no-4-2019/pollens-climat-allergies-initiatives-menees- quebec.html

15 Gilles, S., Blume, C., Wimmer, M., Damialis, A., Meulenbroek, L., Gökkaya, M., …Traidl-Hoffmann, C. (2020). Pollen exposure weakens innate defense against respiratory viruses. Repéré à https://www.naturalmedicinejournal.com/journal/2020-04/pollen-exposure-and-respiratory-viral-infections

16 D'Amato, G., Vitale, C., D'Amato, M., Cecchi, L., Liccardi, G., Molino, A., ... Annesi-Maesano, I. (2016). Thunderstorm-related asthma: what happens and why. Clinical & Experimental Allergy, 46(3), 390-396. Repéré à https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26765082/

17 Agence France-Presse. (2020). Record absolu de température en mai à Montréal. Le Journal de Montréal. Repéré à https://www.journaldemontreal.com/2020/05/28/record-absolu-de-temperature-en-mai-a-montreal

18 Société de protection des forêts contre le feu. (2020). Communiqué : Bilan du mois de mai : Un printemps exceptionnellement sec entraîne deux fois plus d’incendies qu’à l’habitude. Repéré à https://sopfeu.qc.ca/communiques/bilan-du-mois-de-mai-un-printemps-exceptionnellement-sec-entraine-deux- fois-plus-dincendies-qua-lhabitude/ 

19 McMichael, A.J. (2014). Extreme weather events and infectious disease outbreaks. Virulence, 6(6), 543-547. Repéré à https://www.tandfonline.com/doi/full/10.4161/21505594.2014.975022

20 Université de Sherbooke. (2020). Inondations 2019 : des impacts psychosociaux importants, mais évitables. Repéré à https://www.usherbrooke.ca/actualites/nouvelles/recherche/travailler-partenariat/nouvelle- detail/article/42622/

21 Agence QMI. (2020). Le Canada est en récession. Le Journal de Montréal. Repéré à https://www.journaldemontreal.com/2020/05/01/le-canada-est-en-recession-1

22 Coutu, S. (2020). Solidarité et grabuge au centre-ville de Montréal. Radio-Canada. Repéré à https://ici.radio- canada.ca/nouvelle/1708087/manifestation-montreal-racisme-police-george-floyd

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